Bande Dessinée : le virage raté du E-commerce

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bande dessinée et e-commerceLe 41e Festival de la BD d’Angoulême vient de démarrer en demi-teinte. Pour la première fois, ce marché qui n’avait jamais connu la crise a montré un signe d’essoufflement en 2013. Hormis le carton du dernier épisode des aventures d’Astérix (presque 2,5 millions d’exemplaires vendus), le nombre de titres publiés à baissé (-7,3% avec 5 159 publiés dont 3882 nouveautés, le reste étant des rééditions, nouveaux tirages, essais…), et l’ambiance chez les auteurs est plus que morose.

En ce qui concerne le marché de la BD numérique, c’est encore loin d’être l’eldorado espéré par les éditeurs, personne ne communique officiellement sur les chiffres d’affaires de la BD numérique, c’est dire. Malgré les initiatives d’Izneo et AVE!Comics, le nombre de titres disponibles en offre légale est inférieure à l’offre illégale qui oscille entre 30 et 40 000 titres ! L’arrivée de l’américain Comixology en France devrait booster le marché, mais l’offre globale est encore mal structurée, l’expérience d’achat est insuffisante et les consommateurs historiques ne semblent pas encore prêts à faire le transfert de lecture sur tablettes ou mobiles. La nouvelle génération sera-t-elle plus captive?

Mais qu’en est-il du e-commerce dans le monde de la bande dessinée ? Comment les petits et gros éditeurs appréhendent-ils ce créneau ? Quelle place pour les libraires dans cet univers impitoyable ?

Du coté des libraires

Incontestablement ce sont les places de marché historiques (Amazon, Fnac et Priceminister) qui sortent les premiers dans les SERP. Difficile pour les autres acteurs d’exister face à ces géants, pourtant d’irréductibles gaulois font front.

Deux boutiques spécialisées ressortent du lot : BDNet dont le site n’est pas spécialement au goût du jour graphiquement, mais qui reste parfaitement fonctionnel et BDFugue (notre préféré), petit réseau de librairies du Sud de la France qui propose un site très complet, avec un e-merchandising pertinent, abritant de surcroît une marketplace.

Pas entièrement spécialisé BD mais tout aussi performant, notons Librairies-Dialogue qui nous annonce fièrement disposer de 464746 titres en stock.

homepage-bdfugue

Homepage de BdFugue

A l’heure du click-and-collect, les initiatives les plus efficaces sur ce secteur sont du coté de Place des Libraires ou de Canal BD. Le premier propose une recherche par titre et par ville, le site vous donne ensuite la disponibilité du titre dans les librairies les plus proches de chez vous, avec la possibilité de le réserver (une antenne parisienne dédiée existe également).

Pour le réseau spécialisé de librairies indépendantes Canal BD, leur site propose un catalogue mutualisé pour tous les magasins, avec une page dédiée pour chaque libraire. Un moyen pratique pour ces commerçants d’annoncer leurs événements, dédicaces, ou de renvoyer vers leur page Facebook sans grand investissement.

Du coté des éditeurs indépendants

Alors que le e-commerce pourrait représenter une opportunité financière non négligeable pour les gros éditeurs indépendants, ceux-ci ne sont pas spécialement les plus actifs.

Pétard mouillé pour l’Association dont la fonction e-commerce est d’emblée ambiguë : dois-je adhérer ou puis-je commander ? Pas très clair.

Les Humanoïdes Associés qui ont connu des difficultés dans les années 2000, ont amorcé le virage numérique proprement avec un site e-commerce proposant planches originales, tirages limités, digigraphies et figurines. Une solution très pertinente pour éviter de vendre les références standards dont ils réservent la primeur aux revendeurs. Ils se sont positionnés depuis quelques années déjà sur le marché des applications mobiles avec une app permettant l’accès à des références gratuites.

Les Humanoïdes Associés

La maison poitevine FLBLB accuse un retard certain en proposant de télécharger un bon de commande et de calculer vous-même vos frais de ports…oui mais non.

Difficile cependant de leur jeter la pierre. Malgré certains catalogues assez solides, les investissements financiers et humains peuvent paraître dissuasifs pour une petite structure. Pourtant cela pourrait représenter pour ces labels de bande dessinée un levier de chiffre d’affaires, à l’image des labels musicaux qui commencent peu à peu à (s’)investir dans le e-commerce, avec des résultats tout à fait encourageants.

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Du coté des gros éditeurs

Entre rapprochements et acquisitions, les 4 maisons qui se taillent la part du lion sur le marché sont Delcourt, Media-Participations, Glénat & Madrigall/Flammarion. Avec un nombre incalculable de labels et d’éditeurs sous leur égide, on pourrait croire que l’e-commerce fait les beaux jours de ces éditeurs. Que nenni !

Le constat est simple, la plupart des gros éditeurs n’ont pas encore sauté le pas. Sont-ils soucieux de préserver de bonnes relations commerciales avec leurs revendeurs ? La vente directe est-elle tabou dans le milieu ? Pourtant à Angoulême (ou à Japan Expo) ce sont bien les éditeurs eux-mêmes qui écoulant par centaines leurs best-sellers en bénéficiant de la meilleure marge possible, alors pourquoi ne le feraient-ils pas le reste de l’année?

Qu’il s’agisse de Casterman, Futuropolis, Glénat, Kana, Delcourt ou d’autres, aucun d’entre eux ne propose de la vente directe. La plupart du temps leurs sites-catalogue sont très chargés ce qui complique la navigation, et les fiches produits renvoient inlassablement vers des tiers (Amazon, BDFugue…).

Les sites de la maison Gallimard renvoient eux tous vers la Librairie-Gallimard qui sert de plateforme globale. Un site assez austère, beaucoup moins incitatif que de nombreux sites “catalogues” de leurs sous-labels (comme Les Editions Denoël ou Fluide Glacial par exemple), mais qui, au final, permet de commander une référence et de la recevoir à domicile ou de retirer la commande dans l’historique Librairie Gallimard du 7e arrondissement.

Attardons-nous un instant sur un éditeur qui a pris son courage à deux mains en proposant un vrai site e-commerce très complet, Dupuis.

Le cas Dupuis

Site e-commerce Dupuis

Sur tous les sites que j’ai visité pour rédiger ce billet, c’est celui qui m’a laissé la meilleure première impression. La maison-mère du célèbre Spirou, Gaston ou Largo Winch propose depuis Avril 2013 une plateforme e-commerce agrégeant de nombreuses boutiques. Allons donc acheter le dernier tome de Spirou.

Une bonne lisibilité depuis la home, une barre de navigation aimantée, un rubriquage organisé, un merchandising agréable. Puisque la home-page semble être un agrégat de contenus blog, on accède donc à l’espace “Boutiques” pour faire nos emplettes, et c’est là que ça se complique.

Plusieurs boutiques en ligne sont accessibles depuis de jolies vignettes, et l’on sent d’emblée que l’éditeur veut segmenter à tout prix, à croire qu’un amateur de Franquin n’aurait rien à faire dans l’espace Largo Winch manifestement. Est-ce pour répondre aux exigences du marché ou bien est-ce un parti-pris de l’éditeur ?

La première vignette BDclic propose de personnaliser sa bande dessinée, une idée originale et un plus-produit indéniable. Seulement lorsqu’on clique on arrive vers une page d’accès admin…grmbl…

J’insiste et je clique sur la vignette Dupuis en me disant que je pourrais trouver le catalogue Dupuis dans son intégralité derrière. Perdu, seules une dizaine de nouveautés sont disponibles et l’ensemble ressemble exactement à la home-page. Finalement l’onglet Boutiques était-il indispensable?

Revenons à nos moutons et cliquons sur la vignette Spirou. Le dernier tome est bien mis en avant, parfait, cliquons sur le bouton d’action.

Spirou.com

SURPRISE, ce clic me renvoie vers la boutique Spirou à l’intérieur de la boutique Dupuis avec une fiche-produit quasiment identique à celle que je viens de quitter. Clic inutile vous avez dit ?

Boutique Spirou

N’ayant jamais commandé chez eux, je crée donc un compte et découvre avec stupéfaction mon mot de passe affiché en toutes lettres. A taper à l’abri des regards indiscrets donc…

Spirou.com (3)

Une fois tous les champs remplis, je valide mon compte et un message m’oblige à confirmer mon inscription. Mais pourquoi donc ?

Spirou.com (5)

Contraint et forcé je pars confirmer mon inscription en allant dans ma boîte mail, je reviens sur le site et me voici face à cet écran :

Dupuis

Non seulement on me demande de me reconnecter, mais en plus je découvre qu’il était possible de faire une commande en guest-checking ? Pourquoi ne pas le proposer à tous les stades du panier ?

Toujours est-il qu’en me reconnectant je constate que…mon panier est désormais vide et qu’il faut tout recommencer!

Le constat est un peu sans appel, l’expérience utilisateur est très déceptive, l’aspect multi-boutiques est à la fois segmentant et inutile car on ne peut pas vraiment naviguer dans tout le catalogue Dupuis, sans parler des difficultés rencontrées dans le tunnel.

Cependant la plateforme e-commerce de Dupuis est loin d’être catastrophique. Le catalogue de l’éditeur est très riche, l’immersion dans les univers, le merchandising est très qualitatif, mais l’expérience globale pour le client est semée d’embûches. Cet éditeur dispose de nombreuses marques très différentes avec autant de publics visés, le choix de la segmentation peut sembler évident, mais un peu trop clivant pour un visiteur lambda qui pourrait arriver depuis une recherche Google.

L’e-commerce reste donc un territoire relativement vierge pour le secteur de la bande dessinée, tout reste à construire pour pouvoir proposer une expérience globale enrichissante pour le visiteur et performante pour l’éditeur. Ces derniers auraient tort de tout miser exclusivement sur la BD Numérique car même si le marché physique se tasse un peu, l’accès aux gigantesques back-catalogues, au merchandising exclusif, aux tirages spéciaux qui ravissent les collectionneurs mériteraient d’être valorisés dans le cadre d’une expérience e-commerce dédiée pour aller chercher de nouvelles parts de marché.

Pensez-vous que les éditeurs de bande dessinée doivent aller davantage aller vers le e-commerce ou tout miser sur le numérique ? Connaissez des éditeurs de bd indépendants qui proposent de jolis sites marchands ? N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques dans les commentaires…et lisez des bds !

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Ludovic Passamonti
Auteur

Ludovic est consultant e-commerce depuis 15 ans et co-fondateur de Skeelbox, cabinet de conseil spécialisé dans l’e-commerce et les stratégies webmarketing. Nous accompagnons les marques, PME et retailers à toutes les étapes de leur projet e-commerce.

Avec plus de 550 missions de conseils e-commerce en 8 ans sur l’ensemble de la chaîne e-commerce, Skeelbox est votre partenaire conseil pour lancer votre activité e-commerce et réussir votre transformation digitale : définition de votre Stratégie, AMOA en création et refonte de site, pilotage webmarketing, Webanalytics.

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